Octobre 2024. Exploration d’un fort abandonné de la fin du dix-neuvième siècle en Lorraine, rencontre avec ses gardiens inattendus.
Cité perdue
Motivés par la visite du Fort Fischer, nous recherchons un ouvrage de plus grande envergure. Le Fort Orwell, avec ses murs d’enceinte et bâtiments multiples, son effectif conséquent, éveille ainsi notre intérêt.
Nous repérons une casemate sur Google Maps, que nous peinons à trouver dans l’épaisse forêt. Nous avançons à tâtons, jusqu’à reconnaître un pan de mur, puis une arche, enfin un édifice plus complet. J’avais l’impression d’être un explorateur découvrant une cité perdue en pleine jungle. Je fais signe à mon pote resté sur le chemin, et nous entrons sous terre.
Après un enchaînement de galeries et escaliers, nous arrivons à une seconde casemate, plus haute sur la colline. Son couloir d’accès au Fort Orwell est quasiment bouché. Nous hésitons à ramper parmi les gravats, mais leur équilibre a priori précaire nous en dissuade.
Un colimaçon et nous arrivons enfin devant un premier mur d’enceinte. Mon pote distingue au loin, devant un portail, un animal ressemblant à une sorte de gros berger allemand. Le lieu serait-il gardé ? Nous contournons longuement la fortification pour éviter ce que nous imaginons être le vigile et son chien, quand nous nous faisons surprendre par le grommellement puissant d’un cochon ou d’un sanglier.
Des gardiens inattendus
Un sprint plus tard, nous revenons patiemment sur nos pas et trouvons une entrée. D’autres galeries et escaliers encore, lorsqu’apparaît le second mur d’enceinte, percé de nombreux créneaux. Craignant de croiser le vigile, son chien ou un sanglier, nous progressons doucement entre les remparts. Des batteries et un pont-levis se dessinent parmi la végétation. Plusieurs grommellements légers se font entendre. L’animal nous aurait-il suivi ?
Juchés sur le haut d’un muret, à quelques mètres à peine de nous, apparaissent alors les véritables gardiens du Fort Orwell : des cochons ! Ils nous avaient repéré probablement depuis longtemps et nous observent, immobiles. De notre côté, nous sommes amusés par cette rencontre. Rassurés aussi, puisque les cochons sont réputés être bien moins agiles sur du relief que les sangliers.
Plusieurs adultes et une lignée de marcassins sont présents autour de nous et dans le fort. Nous attendons qu’ils se déplacent – très lentement – pour y pénétrer. A l’intérieur, une forte odeur de déjections et de nombreuses crottes de chèvres. Puis le cadavre asséché d’un juvénile au détour d’un immense four à pain. Enfin deux étages de dortoirs, sous la voûte en clair-obscur de ce qui ressemble à l’intérieur d’une église romane.
Nous progressons sur le terrain intérieur presqu’entièrement retourné et grimpons sur le toit du fort. L’occasion de contempler les environs et d’apercevoir une chèvre dans l’ouverture d’une salle à l’opposé de nous. D’autres apparaissent et en sortent, suivies de deux boucs grimpant sur l’édifice pour nous épier fixement. Ils ne nous quitteront alors plus des yeux.
Une bouteille à la mer
Nous sortons du Fort Orwell et redescendons de la colline, en direction de la voiture. Après une maison dont il ne reste plus que les murs, nous découvrons au bord du chemin des ouvertures menant à diverses galeries, jusqu’à plusieurs grandes salles, en partie immergées. L’une d’elles est l’opportunité d’une photo dont la symétrie satisfait pleinement mon penchant maladif pour ce type de cadrage.
Quelques centaines de mètres plus bas sur le chemin, un accès vers diverses salles en enfilade. Puis un étage se dessine sous nos pieds. L’escalier a disparu, nous n’apercevons rien attirant notre attention, ce sera donc pour une autre fois.
Enfin, sur l’encadrement d’une porte, une signature ayant traversé deux décennies. Qui est son auteur ? Quelles raisons l’ont poussé à visiter ce fort ? Y avait-il déjà des animaux ? Nous ne le saurons probablement jamais, mais j’aime à penser qu’il existe une forme d’éternité à laisser un message. Dans une bouteille, sur un mur ou sur Internet.



































